Mardi 10h [Avril 1963]
[...] Non, je ne
fus jamais condamnée à la promenade en famille le long des rues. Mes parents
n'affectionnent pas plus que moi cette sorte de déambulations, et du plus loin que
je sache, il y eut ces courses solitaires -ou parfois avec la petite sœur ou
les deux ou trois camarades que je retrouvais le jeudi et qui n'aimaient pas
plus que moi battre de leur semelle le «
Boulevard Carnot». L'été, jupons relevés, tenant nos chaussures à la
main, nous descendions les ruisseaux... de pierre en pierre, secrètement ravies
si quelque faux-pas opportun nous donnait le prétexte de nous mouiller jusqu'au
ventre -malgré la défense maternelle.
Plus tard d'ailleurs, à force de harceler
les Puissances, nous avons obtenu la permission de nous baigner... Mais il
pouvait se faire que la place à notre arrivée fût usurpée; et filles sages, nous n'aurions su, alors(!), nous ébattre en compagnie de garçons nus. Il nous
restait les bois. Et je ne t'en dirai rien, non, que tu n'y sois venu... Je m'y
glissais en tapinois, presque en voleur; comme à la recherche de demeures perdues;
ou comme si, venue silencieusement, j'allais surprendre quelque fête qui ne
puisse se dérouler qu'en l'absence de spectateurs : et je prenais garde à ne
pas faire craquer les feuilles sous mes pas. Mais la fête continuait
semblait-il partout où je n'étais pas. Peut-être, privilégié, y
assisteras-tu...
Mireille Sorgue - Lettres à l'Amant - TomeI
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