jeudi 31 octobre 2013

Matinale - Colette Nys-Mazure

 
 
 
 
 
 
MATINALE
 
Elle marque son territoire aux parages du matin; d’oiseaux précoces, elle balise la ténèbre. Entre les flaques de ciel cerné d’obscur, elle devine un jour à naître et s’y destine ; regard planté dans l’échancrure. On la croirait sœur des chouettes – les chevêches, les hulottes – mais elle guette l’alouette et devance de peu son tracé ivre. Lorsque celle-ci tarde à poindre, elle patiente et jalonne son espoir de blancs poèmes.
 



"Tu entends, il faudra m'empêcher d'être morte."




John Batho - Présence/absence



« Celui de nous deux qui vivra après l'autre, s'il en a le courage et la force, devra assumer double vie, Nous prolonger, Nous perpétuer, ne Nous rendre qu'ensemble. – Et si c'est moi qu'il faut porter ainsi, recéler et nourrir comme un enfant avant de naître, tu le sauras, n'est-ce pas ?... Je serai la chaleur même de tes bras, la ferveur même de tes lèvres, et non froide, inanimée ; secrète, je te consolerai de l'absence visible, tu m'entendras toujours, et tu me formeras de la substance et couleur de tes joies doublement éprouvées. Tu entends, il faudra m'empêcher d'être morte.[…] »
Extrait "Lettres à l'Amant" tome II
 

 
 

mardi 29 octobre 2013

"Est ce que je te rêve?"...







 [...] Je dis ton nom, la clef des champs, et l'aventure recommence. Je dirai ton nom qui sera dans l'hiver comme un jour de l'été perdu sauvegardé; je dis, je dirai ton nom pour m'endormir, pour m'éveiller, ton nom et ce n'est pas ton nom -comment saurais-je te nommer? -mon tout, mon rien du tout, mon rire et ma souffrance, ma justification, mon accusation, les contraires réconciliés, la source des paroles, celle du silence. J'ai mal de tant t'aimer, et je voudrais le dire, et je l'écris dans chaque geste que je fais, dans chaque parole offerte à d'autres visages que le tien; je dis à tout le monde, au monde, et toute la journée, au jour, à la nuit, à personne, je dis je t'aime. Ce qui fait que j'ai l'air heureuse. Ce qui fait que je vis, que je vivrai, que je veux vivre, que je le voudrai -Et tout s'éclaire et tout se brouille. Est-ce que je te rêve?
 
Extrait des "Lettres à l'Amant" Tome II

jeudi 17 octobre 2013

Ecole Normale de Jeunes Filles - Albi

 
 



En 1959, Mireille est reçue première au Concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Albi . Elle y entre en septembre en classe de seconde et n'a que 15 ans. Vingt ans auparavant, sa mère y entrait elle aussi.



mercredi 16 octobre 2013

Les poètes - Aragon - Ferrat

 


Extrait du poème "Prologue" de Louis Aragon
 Musique et voix de Jean Ferrat

samedi 12 octobre 2013

Désir et liberté




 
[...] J'écris ce que je veux! Sentiment de faire surface, de l’avoir échappé belle ! Mesure prise de mon pouvoir. Décloisonnement dans ma pensée, transgression d’une frontière.
                                                           Liberté !
Extrait du "Dernier manuscrit"-  10 Août 1967






[...] J’ai décidé aujourd’hui à 11 heures 10, après avoir terminé mon livre, de vivre désormais selon mon grand désir. Désir trop longtemps brimé. Peut-être la violence que je montre aujourd’hui est-elle la conséquence d’une trop longue sagesse.

 Extrait d'une lettre à ses parents -12 août 1967

 

samedi 5 octobre 2013

René Char et Tina Jolas : "Entre folie et lucidité"



Isabelle MIGNOT - Eclair de lucidité
 
René Char n’a cessé de régler son existence sur la haute idée qu’il se faisait de la poésie, quitte à en faire payer le prix parfois douloureux à lui-même ainsi qu’à ses proches, compagnons ou compagnes. On pense ici, par exemple, à la relation si particulière qui a uni le poète à Tina Jolas.  Dans la biographie qu’elle fait du poète, « Là où brûle la poésie » Danielle  Leclair place cette relation :   « sous le double signe de l’absence et du désir, entre pulsion sadique et fiction littéraire », l’amour inconditionnel de l’une se pliant à la volonté de l’autre. 
De 1957 à 1987, René Char et Tina Jolas ont entretenu une liaison fiévreuse, et en grande partie épistolaire.
 
 

 
Lettres de Tina à son amie Carmen
Paris, août 1958

« J'ai passé des journées et des nuits entières de plus en plus proche de lui, dans son emprise amoureuse, terriblement amoureuse de lui, et lui aussi s'est inventé un besoin de moi tout entière, aussi une sorte d'anxiété de ma présence. Je suis comme les deux côtés de l'horizon. Ce ciel envahi de nuages splendides mais douloureux (je me compare au ciel !!!!!) Ils vont se refermer sur moi (...) Quand je vois Char, je sens à la fois une pesanteur, un souffle, je sais que je tremble, que sa main sur moi, la barre noire de son regard oppriment ma poitrine, me donnent le besoin de respirer plus fort et de me jeter dans ses bras. Sa présence avec moi devant quelque chose, j'étais au Louvre voir avec lui les Poussin, les Titien par exemple, donne à ce lieu, à cet objet à jamais quelque chose de doué d'ombre et de lumière d'une beauté insensée (...)L'angoisse que je sens en lui (Char) pour moi, son besoin de me voir, de m'avoir me donne une sorte de vertige. C'est impossible. Je sens gronder en moi, pour lui, de tels abîmes de déchirement, qu'est-ce que je vais sauver, inventer pour moi ?... »
Les Busclats, 13 janvier 1988.

Il faut que je te dise la vérité (...) Je vais m'éloigner de René, le quitter. Il y a un certain temps que je le voulais, mais(...) c'est très difficile de quitter un homme qui tient à vous, et vous le dit et vous le prouve ! (...) de jour en jour je ne voyais pas clair. J'ai eu ma part, infinie, si pleine, si inouïe de bonheur sur terre, et je veux à présent vivre vraiment.
Je ne supporte plus la folie - sa pauvre, chère folie mêlée à son grand âge, à son génie, à la poésie et aussi à la malignité. Je me sens très forte et légère, ayant à faire, à construire, à travailler, à faire grandir. Tu te rappelles la phrase d'Akhmatova : Nadejda Mandelstam - hâve, hagarde, durant la guerre à Tachkent - qui dit : "Mais est-ce qu'Ossia m'aurait aussi quittée dans sa vieillesse ?" et Akhmatova avec assurance : "Mais très certainement !". En vérité, je ne sais qui quitte qui, mais j'ai un absolu besoin de ma liberté.(...)
 
 
 

"J'ouvrirai les bras..."







"Et l'on se dit: Que vais-je faire? Que vais-je m'enhardir à faire? -Je crois Ami que je vais étreindre ma vie autant que je le puis, très fort, la clamer avec démesure, mais je crois aussi qu'un jour, très vite et tout d'un coup, j'ouvrirai les bras, pour connaître l'amère joie de l'abandonner avant qu'elle ne me quitte"
Extrait de "Lettres à l'Amant" - Tome 1