vendredi 22 juin 2012

La présence de ton absence...




La présence de ton absence me révèle ton éternité."


Extrait de Lettre à Laurence - Jacques de Bourbon Busset (1987)

mercredi 13 juin 2012

Volutes et arabesques



Klimt- l'arbre de vie

[...] " J'ai seulement pour nous sauver le langage que je partage avec tous, les mots qui viennent sous mes doigts; je les choisis comme des fruits, pour leur rondeur et leur velours. Ils font, mis à la suite, volutes, arabesques, ce calligramme où je rêve que j'inscris ton mouvement. Et j'aime que ce matériau soit le plus subtil, le plus fluide qui soit, comme convenant à refaire le tissu des caresses avec le jour ancien pris au travers, ou bien ma chair de fille châtaine."

Extrait de  L'Amant - Mireille Sorgue

dimanche 10 juin 2012

Heureux celui qui meurt d'aimer...


Jean Ferrat chante Aragon

Heureux celui qui meurt d'aimer

O mon jardin d'eau fraîche et d'ombre
Ma danse d'être mon coeur sombre
Mon ciel des étoiles sans nombre
Ma barque au loin douce à ramer
Heureux celui qui devient sourd
Au chant s'il n'est de son amour
Aveugle au jour d'après son jour
Ses yeux sur toi seule fermés

Heureux celui qui meurt d'aimer
 Heureux celui qui meurt d'aimer

D'aimer si fort ses lèvres closes
Qu'il n'ait besoin de nulle chose
Hormis le souvenir des roses
A jamais de toi parfumées
Celui qui meurt même à douleur
A qui sans toi le monde est leurre
Et n'en retient que tes couleurs
Il lui suffit qu'il t'ait nommée

Heureux celui qui meurt d'aimer
Heureux celui qui meurt d'aimer

Mon enfant dit-il ma chère âme
Le temps de te connaître ô femme
L'éternité n'est qu'une pâme
Au feu dont je suis consumé
Il a dit ô femme et qu'il taise
Le nom qui ressemble à la braise
A la bouche rouge à la fraise
A jamais dans ses dents formée

Heureux celui qui meurt d´aimer
Heureux celui qui meurt d´aimer

Il a dit ô femme et s´achève
Ainsi la vie, ainsi le rêve
Et soit sur la place de grève
Ou dans le lit accoutumé
Jeunes amants vous dont c´est l´âge
Entre la ronde et le voyage
Fou s´épargnant qui se croit sage
Criez à qui vous veut blâmer

Heureux celui qui meurt d´aimer
Heureux celui qui meurt d´aimer

Paroles: Louis Aragon. Musique:  Jean Ferrat 1966 "Jean Ferrat – Vol.2 (1999)"

Nicolas de Staël: " On n'éclaire pas sans brûler"


Peintre français d'origine russe, Nicolas De Staël était un homme partagé. Entre figuratif et abstrait, entre culture slave et amour de la France, entre espoir d'une lumière d'Italie et désespoir d'une porte qui se referme trop tôt.
Sa morale tenait en quelques mots :
"Il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience."

Il entretenait une amitié passionnée avec René CHAR . Ce dernier disait de lui: "Il est allé plus près qu’il n’est permis de l’inconnu et de l’empire des étoiles"
Abstrait et pourtant émouvant comme un paysage connu,  Nicolas de Staël appartient,
selon André CHASTEL, au «dernier âge de la peinture qui reste traitement de la pâte et recherche d'épiderme». Il la traite en sculpteur
.

Il suffit de s'arrêter devant La Lune, grande huile sur bois de 1953, qui semble n'être qu'une seule même couche de peinture au suave gris perle.
Une mince fente ­rouge évoque une blessure. Le reste est pure contemplation.

La lune - Nicolas de Staël

« Dieu que c’est difficile la vie !
Il faut jouer toutes les notes, les jouer bien… »
 
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"Ma peinture, je sais ce qu'elle est sous ses apparences,
sa violence, ses perpétuels jeux de force;
c'est une force fragile dans le sens du bon, du sublime.
C'est fragile comme l'amour"...

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"Je sais que ma solitude est inhumaine.
Je ne vois pas la manière d’en sortir,
mais je vois les moyens de progresser sérieusement".

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    " On n'éclaire pas sans brûler "

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"Je vais aller sans espoir jusqu'au bout de mes déchirements,
jusqu'à leur tendresse."

                                                                                            
Nicolas de Staël

et ... il l'a fait !
« Dans sa frénésie de peindre il côtoie sans cesse l'abîme, trouvant des accords que nul autre avant lui n'avait osé tenter. Peinture tendue, nerveuse, toujours sur le fil du rasoir, à l'image des dernières toiles de Vincent van Gogh qu'il rejoint dans le suicide. » (1)
 Nicolas de Staël meurt à 41 ans en se jetant par la fenêtre de son atelier d'Antibes.
(1)  Bernard Heitz, article : Nicolas de Staël, les couleurs du tourment, Télérama n°2374 du 12 juillet 1995, p.13


Souffrance....

samedi 9 juin 2012

Mireille... "Trobairitz" ?


Les trobairitz ou troubadouresses, formes féminines de troubadour, sont des poétesses et compositrices d'expression occitane ayant vécu dans le sud de la France aux XIIe et XIIIe siècles.

Béatrice de Die

Pour la poésie des troubadours, la distance installée n'est pas toute conjugale ou sociale, mais vitale, fondamentale. Elle est la manifestation de l'absence. C'est l'absence qui est au centre puisque ce centre de l'absence est aussi celui du langage.

La notion de désir se confond entièrement avec celle de l'amour. Et, puisque le désir disparaît quand il est assouvi, l'amour, pour perdurer, doit être difficile à satisfaire. Cela explique la position de supériorité de celui qui est désiré, qui doit toujours paraître insaisissable sans pous autant rester totalement inaccessible (car l'amour courtois n'est pas un amour platonique).

L'importance accordée au désir explique encore que l'amour courtois se porte généralement vers un objet défendu.

Si la courtoisie est un phénomène de civilisation, la doctrine amoureuse qui l'accompagne, contraire aux enseignements de l'Eglise et très éloignée des usages de l'époque, doit avant tout être comprise comme un jeu littéraire.

L'amour comme construction verbale. Une sorte de théorie d'amour négative qui parle de la souffrance de l'amour.
"Je pose une idée, je la renverse". Son contraire est possible, les deux s'entendent.
Assouvir ses sens deviendrait: sublimer, transformer par l'écriture. Différer le plaisir, combler l'espace qui sépare de l'être aimé. Renverser les choses dans son regard et dans sa perception du monde.


Azalaïs de Porcairagues

Cette conception de l'amour remonte au temps de l'esprit courtois en Orient (1). Cet amour est venu chez nous à dos de chameau et de cheval par l'Andalousie. Il y est question d'une forme d'obéissance – sans aucune espérance – qui constitue la caractéristique de ce sentiment et lui donne sa noblesse.

La beauté que chante le poète est surtout immatérielle et la Dame se trouve adorée à l'égal d'une divinité, une divinité cruelle et inaccessible que l'amant implore en sachant que ses larmes, son insomnie et les tourments de son âme, ne lui vaudront aucun mérite et donc aucune ferveur.

Nous pouvons sentir, dans certains passages de ses écrits, combien Mireille est entrée en résonance avec la poésie des troubadours. Par exemple, quand elle évoque: "la peine doucement dure", c'est du pur canso.

 
(1) Jean-Claude Vadet. L'Esprit courtois en Orient dans les cinq premiers siècles de  l'Hégire.  Editions G.P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1968.



                   

samedi 2 juin 2012

Gordes


Jeudi
[31 janvier 1963]

"Tu parles des nuits de Provence, et ta parole a goût de promesse. Les nuits de Gordes...Je saurai, n'est-ce pas...Tout un royaume, et je m'attarde au seuil, interdite un peu. Tu es sûr que je peux entrer? que les bêtes et les choses, dérangées ne vont pas se taire? que je n'effraierai pas le petit duc, ni les cigales?"

Extrait de Lettres à l'Amant  Tome 1



Gordes