mardi 10 juillet 2012

Paul Eluard - Dit de la force de l'amour


Paul Eluard

Hommes et femmes, criez "Je t'aime"

Et voici que le corps avance vraiment, il n’est plus seul, il a rompu les liens.
Et tout en lui exprime, à sa manière, la joie d’être délivré. L’amour, c’est la liberté, mais il se passe en silence, en secret, presque honteusement, car il n’a pas la parole. Un amoureux qui parle est un poète et ce qu’il dit efface le temps qui l’isole de l’objet aimé. Il donne à l’amour une vie constante, invincible. Il s’éternise.
Hommes, femmes en proie à ce délire qui entoure chaque naissance du souvenir de la seule communion réelle, hommes, femmes, qui perpétuellement naissez à l'amour, avouez à haute voix ce que vous ressentez, criez "je t'aime" par dessus toutes les souffrances qui vous sont infligées, contre toute pudeur, contre toute contrainte, contre toute malédiction, contre le dédain des brutes, contre le blâme des moralistes. Criez-le même contre un coeur qui ne s'ouvre pas, contre un regard qui s'égare, contre un sein qui se refuse. Vous ne le regretterez pas car vous n'avez d'autre occasion d'être sincère, tout le bonheur du monde dépend de l'intensité de votre cri qui passera de bouche en bouche à l'infini. Votre cri vous fera grand et il grandira les autres. Il vient de loin, il ira loin, il ne connaît pas de limites.
Parlez, les mots d’amour sont des caresses fécondantes. Les autres mots ne sont là que pour la commodité de la vie. Aimer, c’est l’unique raison de vivre. Et la raison de la raison, la raison du bonheur. Vous obtiendrez toujours grand enchantement d’aimer, et même de la souffrance d’amour. Les plus grands des poètes ont affronté diversement, avec courage et avec faiblesse, les difficultés de la vie, mais leurs chants d’amour relèvent l’homme de son bourbier.
L’homme revit et survit par l’amour. Son cœur et son visage vieillissent, mais l’image des baisers échangés se reproduit toujours semblable, exaltée, exaltante, laissant ouvertes toutes grandes les portes du commun échange par lesquelles entrent en se pressant les promesses de l’avenir, les assurances de l’éternité.

Paul Eluard (Introduction au " Dit de la force de l’amour", 1947)

Dit de la Force et de l'Amour

Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère

Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal


La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe


Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert

Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.


13 Avril 1947 - Paul Eluard – Poèmes poilitiques (194

1 commentaire:

  1. Un grand merci à vous de proposer ce magnifique poème avec toutes ses références, ce que les autres auteurs de blog ne font pas assez systématiquement. Là est le partage.
    alain

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