« Car je veux être reine de mes soleils et de mes peines, tenir les clefs des cités que je hante et garder enclose dans ma parole la fugitive vie que je m’émerveille d’entendre battre à mes tempes. » Mireille Sorgue
J'oubliais de te dessiner un de mes songes: la main levée un peu plus haut que mon visage, je trace d'une ombre légère sur le mur que soleille ma lampe une figure idéale où s'englue l'espoir d'un lendemain très clair. Un visage neuf pour redessiner un jour le mien en forme de soleil...Rêve que je fais toute éveillée bien sûr.
« C’est
comme si ma vie était magiquement parcourue par deux courants
électriques, l’un positif et joyeux, l’autre profondément négatif et
désespéré. Cela envahit ma vie, l’inonde. Maintenant je suis submergée
par le désespoir, voire l’hystérie comme si je me noyais. Comme si un
hibou gigantesque était posé sur ma poitrine, ses griffes broyant et
enserrant mon cœur » écrit Sylvia Plath.
Elle ne fuit pas le réel, elle le recrée. Ecureuil fou, elle ne pouvait que tourner et retourner dans la cage de son histoire. Ce n'est pas le désespoir qui monte de ses poèmes, mais des éclats de vie, des échardes de vie. Sylvia Plath a cherché un passage secret, elle est allée au bord, ce bord fut un précipice. Il semblait n'y avoir que deux moyens pour s'échapper, la poésie ou la mort. Le bord, ultime poème est ce bord où elle s'est trop penchée. "Mourir est un art, comme toute chose" écrit Sylvia Plath.
Extrait - Gil Pressnitzer
Le bord
La femme s'est accomplie
son corps mort
porte le sourire de l'accomplissement
l'illusion d'une obligation grecque
coule dans les rouleaux de sa toge
Ses nus
pieds semblent vouloir dire :
Nous sommes arrivés si loin, tout est fini.
Chaque enfant mort est enroulé, un serpent blanc,
Près de chacun une cruche de lait
maintenant vide.
Elle les a repliés contre son corps
comme les pétales
d'une rose refermée quand le jardin
se fige et que les parfums saignent
des douces, profondes, gorges de la fleur de la nuit.
La lune n'a pas à s'en désoler,
fixant le tout de sa cagoule d'os.
Elle a tant l'habitude de cela.
Sa noirceur crépite et se traîne.
Sylvia Plath, Le bord, dernier poème, 5 février 1963