vendredi 19 décembre 2014

Paul Eluard - Tu te lèves

Bulles de silence

Tu te lèves


Tu te lèves l’eau se déplie
Tu te couches l’eau s’épanouit

Tu es l’eau détournée de ses abîmes
Tu es la terre qui prend racine

Et sur laquelle tout s’établit
Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits

Tu chantes des hymnes nocturnes sur les cordes de l’arc-en-ciel
Tu es partout tu abolis toutes les routes

Tu sacrifies le temps
A l’éternelle jeunesse de la flamme exacte
Qui voile la nature en la reproduisant

Femme tu mets au monde un corps toujours pareil
Le tien

Tu es la ressemblance.

Paul Eluard - Poème extrait de "Facile"- 1935

 

dimanche 14 décembre 2014

"Lettres à un jeune poète" - Rainer Maria Rilke






Jeudi 14 h [22 novembre 1962] 

[...] L'après-midi, je lus les Lettres à un jeune poète de Rilke, dont je connaissais à peine quelques phrases; ce sen­timent poignant qu'Il parlait pour moi aussi, que j'étais concernée... et j'écoutais le cœur battant. Vous savez bien qu'il n'y a pas là vanité, ni aucune mascarade, et que je ne me donne pas l'air de comprendre ce qui m'est étranger; seulement douloureuse reconnaissance. Je sursautais presque à certaines phrases; j'avais oublié l'heure et le lieu, je m'ou­vrais toute à la parole qui disait si bien ma vérité nue. Seule, oh combien seule; malgré Toi, mon AMI -«Nous sommes solitude» -Mon père un jour déjà m'avait dit ­ou plutôt crié, et désespérément, car nos «rencontres», rares, sont brutales et déchirantes: «Nous sommes seuls. » Mais je ne le savais pas encore. «Ainsi pour celui qui devient solitude, toutes les distances, toutes les mesures changent» -et ceci à quoi vous fîtes allusion dans l'une de vos lettres: « Le temps, ici, n'est pas une mesure. Un an ne compte pas; dix ans ne sont rien. Être artiste c'est ne pas compter, c'est croître comme l'arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l'été ne puisse pas venir. L'été vient... », et bien d'autres choses encore que vous avez dû lire avec autant de ferveur que moi. 
 Mireille Sorgue - Extrait "Lettres à l'Amant" Tome I
 
Portrait de Rainer Maria Rilke par Helmuth Westhoff 1901


"Car au fond, et précisément pour les choses les plus profondes et les plus importantes, nous sommes inqualifiablement seuls."
                                                                        "Lettres à un jeune poète" de rainer Maria Rilke 

samedi 13 décembre 2014

Alfred de Musset - Rappelle-toi





Rappelle-toi
 
Rappelle-toi, quand sous la froide terre
Mon cœur brisé pour toujours dormira;
Rappelle-toi, quand la fleur solitaire
Sur mon tombeau doucement s'ouvrira.
Je ne te verrai plus; mais mon âme immortelle
Reviendra près de toi comme une sœur fidèle
Écoute dans la nuit,
Une voix qui gémit :
Rappelle-toi ... 

                                                                                                                   Alfred de Musset   











mercredi 10 décembre 2014

cadeau de Noël - Ofrande musicale de Bach



Lundi  [31 Décembre 1962]

[...] Devine, devine ce que j'eus ici en cadeau de Noël? Autour de moi, mon père et ma mère, Manou, ma soeur, à l'affût de ma joie -prolongeant l'attente, jouissant déja de ma surprise incrédule, du sourire déchiré, des gestes précautionneux, un peu tremblants... On m'avait dit : "Ferme les yeux..." je les entendais rire doucement...

Un électrophone, plus beau que celui de l'école... Un electrophone que je vais emporter à Toulouse, bien sûr; tu vois, je suis sauvée. A force de tendresse... J'écoute Mozart, j'écoute Robeson,  Bach  (Offrande musicale. Orchestre de chambre Pro arte de Munich, direction Kurt Redel- enregistrement Erato). Sonates de Bethoven. Chants d'Ukraine. J'écoute de la musique... Inétanchable, ma soif. Sauvée! Le père Noël est décidément quelqu'un qui sait tout, qui devine à merveille. Et puis mon ami lui a soufflé dans l'oreille une supplique convaincante...
                                                   Mireille Sorgue-Extrait "Lettres à l'Amant" - Tome I


Le manuscrit montre une seule portée dont le début est joint avec la fin....

                    Un fibré en droite sur le cercle connu sous le nom de ruban de Möbius.

                                            ...deux voix dont la symétrie détermine une évolution réversible.

                                                                   Un univers est construit, puis déconstruit vers le silence...

jeudi 27 novembre 2014

Sardane- Culte du soleil- (Picasso)





Samedi [ 20 septembre 1962]

[...] Je songe à ces sardanes que nous dansions interminablement après le souper, même à la veille du bac; rites d'un culte du soleil, dirait-on: les bras levés, et les seins cabrés -j'allais presque dire dardés, et l'on danse comme pour saluer et honorer le jour, sans se lasser. Cela serait très beau une sardane dansée par des filles nues, sur le sable, devant la mer. 
Mireille Sorgue - Extrait de "Lettres à l'Amant " Tome I

La sardane de la paix - Picasso
 


 


 

mercredi 26 novembre 2014

Au seuil de tous les possibles

Avril 1963


[...] Je voudrais au moins qu'alors même que je te cerne de mes bras multiples, 


tu t'éprouves enfin libre, comme à la lisière d'un grand pays désert rongé de lumière, aux horizons dissous, 


à la lisière de toute entreprise, de toute aventure, de toute audace, de toute errance, au seuil de tous les possibles, d'un royaume sans lois ni cités...




 A l'orée d'une plage où chacun de tes désirs se résolve en un surcroît de soleil. Comprends-tu? 


 Mireille Sorgue - Extrait de "Lettres à l'Amant" Tome I


mardi 21 octobre 2014

François Solesmes - L'Amante



     [...] Je nous regarde, mais c'est toi que je vois autour de nous comme un ciel de bonne volonté couleur de fleur de bourrache; toi que je vois disposant sur nos marges, de la voix et du geste, les noix fraîches et le pain d'épices.

                                                                                                           François Solesmes - L'Amante



dimanche 19 octobre 2014

Soleil mal éveillé






Vendredi  [15 novembre 1963]


 " Il fait un soleil de plume embroussaillée, 
mal éveillé, que le vent déconcerte."
                                                                                     Lettres à l'Amant - Tome II