Dimanche [29 mars 1964]
A sept heures, je suis sortie, et j'ai vécu seule la
plus belle heure de ce jour qui s'est à présent embué, enfiévré, obscurci. Seule: oui, ce
matin de Pâques, il m'a bien semblé que tous (et tout) prolongeaient leur
repos. Je n'ai rencontré personne et je suis sûre -à l'absence de
résistance de l'espace, à l'absence d'écho à
mes gestes et mes pas, que véritablement
j'étais seule dehors.
Goût de privilège. J’ai foulé l'hiver mort: fougères
rousses ou blêmes, froissées, tassées, lichens et les sentiers sans herbe, mais
à hauteur
de mes lèvres dans la saveur du vent, à hauteur de mes paupières dans le baiser dont les
fermait le soleil, j'ai rencontré le printemps.
Je me suis attardée sur les collines, considérant avec tendresse ce
village maussade ordinairement mais que son environnement de fumées, de coqs,
de chiens et plus haut de bois, et plus haut de ciel pâle faisait précieux.
J'ai vu des sources nouvelles, et les fleurs de fraisier promettant
l'abondance.
Je suis revenue en coupant tout droit par les genêts, puis au
travers des jardins...
Mireille Sorgue-Lettres à l'Amant - tome II
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