Vendredi [8 mai 1964]
[...] La pluie longuement lustre notre étoile... Matinée grise, bâtarde, au sang vicié; on respire mal. Vers les dix heures, la révolte. Car je suis lasse d'être sage, car ma sagesse à la fin m'écœure, car je ne suis rien d'autre qu'une bonne écolière, car je refuse mes limites, ma médiocrité! Il est temps qu'enfin cet examen se passe. Je me promets ensuite d'être folle, absolument... Mais je reçois ta lettre, et s'apaise cette colère désespérée, cette rage contre soi soudain à se voir si rien du tout; s'apaise le mépris pour soi, puisqu'au moins pour cet Autre, on est digne du monde. Amour mien, il ne faut pas m'admirer, ou bien il faut me dire que tu m'admirerais encore si je devenais soudain paresseuse, désordonnée, désinvolte, égoïste, triste... Bien sûr que je suis ton égale. Tous les vivants sont égaux, et les non-vivants nuls, tous ceux qui aiment sont vivants, tous ceux qui aiment sont égaux.
Mireille Sorgue - Extrait Lettres à l'Amant - Tome II
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