[...] La connaissance
esthétique n'est pas analogue à la connaissance scientifique; alors que celle ci
semble s'effectuer par un mouvement d'accaparement, par une acquisition du
monde réduit à des propositions intelligibles, celle là se fait au contraire
par expansion et projection de l'être hors de ses limites rationnelles, par
embrassement de ce qu'il veut connaître; il n'y a plus examen ni dissection,
mais alliance et communion; il s'agit d'égaler le monde ou l'œuvre, de les
comprendre, non plus intellectuellement, mais intimement, il s'agit non plus de
réduire l'objet à soi, mais de se faire conscience même de cet objet. Comment
la raison pourrait-elle m'égaler à la mer, «la Mer elle-même toute écume, comme
Sibylle en fleurs sur sa chaise de fer » (1), comment la raison pourrait-elle me
donner la mer, «Mer au parfum d'entrailles femelles et de phosphore dans les
grands fouets claquants du rapt »? (2) Mais je la possède par mon exaltation. Ce n'est
donc pas la raison, mais l'admiration qui donne à connaître ce dont on veut
jouir, ce que l'on veut aimer; c'est cela sans doute que pensait Rilke en
écrivant:« Seul l'amour peut saisir les œuvres d'art, les garder, être juste
envers elles. » L'amour oui, l'admiration: ceux qui en sont incapables ne
comprendront pas mieux une œuvre ou le monde qu'un profane les choses sacrées,
et comment en pourraient-ils parler? Il me semble qu'il ne peut y avoir de
connaissance esthétique complète sans admiration.
-« On ne voit bien qu'avec le cœur », dit justement le Renard au Petit Prince, ou plutôt Saint-Exupéry. |
vendredi 1 août 2014
Connaissance esthétique et admiration
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