Jeudi [ 26 mars 1964]
[...] Hier matin, j'ai reçu de Marie-France une lettre bouleversante.
Tu la liras (et je sais que tu la comprendras; pauvres, pauvres filles...).
Je lui avais brièvement écrit pour son anniversaire, en lui disant que je
regrettais que l'habitude et la pudeur nous fassent toutes deux aussi
silencieuses. Elle s'explique sur ce silence, et le rompt
exceptionnellement, pour ma plus grande peine. Comment n'avoir pas les larmes
aux yeux devant cette dureté, qui n'est que cicatrice, ce pauvre orgueil
douloureux qu'elle érige en défense? Moi qui pensais qu'elle allait mieux!
Quelle solitude... Ce mépris? Oui, il me semble bien l'avoir éprouvé -et
pourtant je n'avais pas d'orgueil puisque je me diluais dans la masse, me
laissais submerger, couler, puisque je m'abîmais,
et ne croyais pas valoir d'être sauvée. Elle se révolte, c'est peut-être un
signe de vigueur; moi je n'avais que la tentation de dormir que résumait
cette petite phrase ressassée: -Sommeil, soleil, désir de mort lente, désir de
mort vive...
Je ne connais pas son amie qui en est « aux premiers jours de sa peine», mais je souhaite qu'elles s'aident l'une l'autre. Seulement, je sais bien qu'il faudrait un ami. Ami... Il lui manque pourtant de connaître ce qu'est la mort; elle n'a pas encore (elle me l'a dit), découvert l'absurde, elle ne l'éprouve pas. Elle ne doute encore que des autres, non d'elle-même. « C'est peut-être mon orgueil qui me sauvera. » Oui. Pauvre petite fille.
Mireille Sorgue - Lettres à l'Amant - Tome II
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vendredi 25 juillet 2014
Pauvre petite fille...
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