samedi 13 avril 2013

Poème de René Char : La Sorgue





















La Sorgue


Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.


Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma raison.


Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.


Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.

Rivière des apprentis à la calleuse condition,
Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.


Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.


Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.


Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.


Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer.


Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.


Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.



René Char, extrait de Fureur et mystère, 1948, © Éditions Gallimard






Amoureuse à perte de vue...







4 novembre 1963

[...] Amoureuse à perte de vue, à perte du rire et des larmes, à perte du sens des heures, la tête renversée, les yeux cueillant les étoiles

Extrait « Lettres à L’Amant » tome II


lundi 1 avril 2013

Luigi Pirandello



Photo Pierre Pellegrini



        "Ce que je veux, c'est me fuir moi-même."
 
                                                                           Luigi Pirandello
 



 
Tout au long de son oeuvre, Pirandello s'interroge sur l'énigme de la personnalité et sur l'ambiguïté de la réalité et de la vérité.
 
 

vendredi 29 mars 2013

La porte rouillée

 
 
 
 
...Pousse la porte rouillée qui soupire
et qui grince et gémit sous la main
Courbe la tête et laisse ton sourire
Tu es ici dans le jardin
où fleurit l'œillet du souvenir
et la rose du chagrin
 

                                                                                              Extrait d'un poème de Robert Mallet 

jeudi 28 mars 2013

Limites









Ami, ô, mon ami... J'éprouve les limites du langage, et mes propres limites aussi -limites écartelées continûment... et qu'est-ce qui va naître? Ce n'est pas de tout repos de grandir. Demain me donne le vertige, et pourtant j'ai soif infiniment, j'ai faim infiniment de nouvelles nourritures; je n'en finis pas de venir au monde. Et qui délivrera cet oiseau battant de mes poignets? -Ah, pardonne-moi, pardonne-moi cette incohérence. Je suis abattue contre ton épaule, mais comment consoleras-tu ce bonheur de vivre si poignant qu'il m'est douleur?
 
Extrait de "Lettres à l'Amant" Tome I

mardi 19 mars 2013

Aujourd'hui





 
Un bouquet à son image en ce jour d'anniversaire!
 

mercredi 13 mars 2013

Assonance - Pétrarque et François Solesmes


 

 
Pétrarque écrit après la mort de Laure dans son manuscrit du  «Virgile » :
« Laure, illustre par ses vertus et fort célébrée dans mes vers, m’apparut pour la première fois pendant ma jeunesse en 1327, le 6 avril dans l'église Sainte-Claire à Avignon, à la première heure du jour ; et dans la même cité dans le même mois, au même sixième jour et à la même première heure en l’an 1348, cette éclatante beauté fut soustraite à la lumière alors que j’étais à Vérone, bien portant, ignorant hélas de mon malheur ! Mais la malheureuse nouvelle me fut apportée à Parme par une lettre de mon ami LouisN 9 dans le dix-neuvième jour du mois suivant. Ce corps si beau et si chaste de Laure fut enseveli au couvent des frères mineurs, le jour même de sa mort à vêpres. »
 

François Solesmes écrit après la mort de Mireille dans son livre   «L’Amante » (édition Albin-Michel) :
« Tu étais morte, et je ne le sus pas tout de suite. J’ai pu vivre, dormir en l’ignorant. »
 

 

Louise Labé - Sonnet XIV




Mireille Sorgue écrivait à propos des sonnets de Louise Labé :
 
"C'est une oeuvre libératrice. Cette voix crie ce que la plupart ne savent ou n'osent dire. Elle délivre les amants de leur mutité."


Sonnet XIV

Tant que mes yeux pourront répandre des larmes,
en regrettant notre bonheur passé :
et que ma voix pourra résister aux larmes
et aux sanglots, et un peu se faire entendre :
Tant que ma main pourra tendre les cordes
du luth mignon, pour chanter tes grâces :
tant que mon esprit voudra se contenter
de ne rien vouloir sauf te contenir :
je ne souhaite pas encore mourir.
mais quand je sentirai que mes yeux tarissent,
que ma voix se casse, et que ma main est impuissante,
et que mon esprit en ce mortel séjour
ne peut plus montrer qu'il aime :
Je prierai la Mort de noircir mon jour le plus clair.

 
Louise Labé parle de mourir quand elle ne pourra plus créer plus que de ne plus aimer... C'est ce qui lui importe. La Création est transversale à l'amour/la mort.
C'est d'ailleurs pour ça que l'amour est si important pour elle : parce qu'elle est poète et que c'est sa grande source d'inspiration. Elle dit bien, dès le début : tant que je pourrai chanter (quitte à résister aux larmes).
Symboliquement, sexuellement, l'amour et la création vont ensemble. Louise Labé ne pourra plus créer si elle n'aime plus, c'est pour ça qu'elle désirera la mort.
(Aimer/créer, faire l'amour/engendrer ).
Tarie, cassée, impuissante, ne pouvant plus montrer signe d'amante (ce n'est pas ne plus aimer, mais ne plus le montrer, le dire,... ne plus le chanter, ne plus l'écrire).
Aimer avec son esprit comme avec son corps. Le terme «comprendre» (contenir, donc...) est extrèmement explicite là-dessus !
L'amant donc remplit son esprit comme son corps, mais elle parle de l'esprit, ici.
 




L'épistolaire - Geneviève Haroche Bouzinac





La lettre est un objet qui doit sans cesse reconquérir son statut littéraire.  "Discours des absents ", elle établit sa propre temporalité et place sa rhétorique au service d'une stratégie. Est-elle un moyen d'effacer la distance ou de tenir à distance l'autre, le destinataire idéal avec lequel s'est établi un contrat épistolaire ? Tendue vers ce destinataire, la lettre participe également à l'édification d'une image de soi : " miroir de l'âme ", elle renvoie l'épistolier à lui-même. Accompagnatrice de l'œuvre, il lui arrive d'entrer en concurrence avec elle. Aussi entretient-elle avec la fiction des rapports complexes, tantôt mystificatrice pour transformer le réel, tantôt instrument d'un récit romanesque, tantôt actrice principale du roman épistolaire. 

Geneviève Haroche Bouzinac - L'épistolaire - Hachette Collection Contours Littéraires 

mardi 26 février 2013

Rainer Maria Rilke - Le Livre de la pauvreté et de la Mort







Je suis peut-être enfoui au sein des montagnes
solitaire comme une veine de métal pur;
je suis perdu dans un abîme illimité,
dans une nuit profonde et sans horizon.
Tout vient à moi, m'enserre et se fait pierre.
Je ne sais pas encore souffrir comme il faudrait,
et cette grande nuit me fait peur;
mais si c'est là ta nuit, qu'elle me soit pesante,
qu'elle m'écrase,
que toute ta main soit sur moi,
et que je me perde en toi dans un cri.


Extrait- Le Livre de la pauvreté et de la Mort- Rainer Maria Rilke