samedi 18 juillet 2015

Le monde cessait d'être opaque, je le devinais, j'avais partout des complicités...




 Samedi [30 juillet 1966]

[...]  Il me semble parfois qu'on m'a guérie trop tôt, qu'il ne fallait pas qu'on me guérisse, que la folie m'aurait appris davantage que l'état médiocre auquel on m'a rendue. Le monde cessait d'être opaque, je le devinais, j'avais partout des complicités… Mais il faut vivre en société, non dans la nature ; la société m'a reprise, la nature s'éteint, mais la beauté inexpliquée ne me comble plus, je l'interroge. Lorsque j'aurai de nouvelles forces, l'aventure personnelle recommencera. Ces mots désoleraient mon père qui me croit "raisonnable" ; mais comment agir comme lui ? Il se gouverne selon ses principes dont je ne connais pas le fondement. Je ne peux qu'inventer, si je ne me soumets à la règle des autres. Il faut bien que momentanément je feigne de me soumettre, mais inventer séduira ma vigueur retrouvée. Le difficile sera d'établir avec la société des rapports tels que l'invention qu'elle interdit lui demeure secrète ; le difficile est de gouverner juste assez l'invention de soi pour en jouir sans que cela soit perceptible aux autres. 
                                     Mireille Sorgue  




[...] Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant...
Arthur Rimbaud - Lettre du Voyant -1871


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