dimanche 26 janvier 2014

Je veux dire ta main






Je veux dire ta main sous laquelle je m’éveille au désir, au plaisir.
Ta main si lente à me séduire. 
Si sagement, si savoureusement lente. Je veux dire ces
prémices plus émouvantes que celles du jour ou de l’avril: 
quand chancellent les verticales; quand toute flamme se couche, s’allonge, comme celle bleue de nos veines.
Quand j’attends que tu me touches comme folle que sonne l’heure.

Mireille Sorgue, L’Amant.


samedi 25 janvier 2014

Marguerite Burnat-Provins - "Le livre pour Toi"- XXI




XXI

   Il y a ce matin dans ma poitrine un grand bonheur ensoleillé qui monte comme une alouette éblouie.
   Dans mon sang fleurissent des roses rouges, si rouges et si parfumées.
   J'entends roucouler les fontaines et pépier les oiseaux pour répondre aux ondes fraîches répandues dans mes veines, aux chants allègres qui sonnent à mes oreilles.
   Je voudrais dire aux feuilles qui bruissent, aux fruits qui gonflent, aux nuages qui voguent, des paroles douces à les étonner; je voudrais baiser les pierres brûlantes et les serrer contre mon cœur, je me voudrais une bonté infinie et des ailes immenses pour la porter à tout l'univers. Mes yeux élargis absorbent avec extase la clarté de cette journée triomphante, pourquoi? 
   Parce que tu es venu.
   Je dois rendre à la nature l'ivresse que tu as mise en moi.


Marguerite Burnat- Provins - Extrait "Le livre pour Toi"


Marguerite Burnat-Provins - Le livre pour Toi - XL


XL

Que mon  âme murmure autour de ton âme comme une abeille autour d'un calice parfumé


Que mon amour coule dans ton cœur comme à travers les menthes bleues, la source innocente qui vit au soleil


Que ma pensée soit une colombe blanche posée sur ta pensée


Et que ta vie se referme sur ma vie, comme le cristal sur la goutte d'eau prisonnière qu'il garde depuis des milliers d'années.



Marguerite Burnat-Provins - Extrait "Le Livre pour Toi"



vendredi 24 janvier 2014

Etre plus vivant













8 mars 1964

[...] ... Je ne sais aimer que comme on croit, aveuglément, absolument,désespérément ; dans cet élan est toute ma force, toute ma richesse – et la virtualité de l'art : car je n'ai que cela à dire, cela essentiel, dont je veux témoigner pour que d'autres aient le désir d'être plus vivants… 

                                                                                                Tome 1 - Lettres à L'Amant 

 

lundi 6 janvier 2014

Vivre - Amour et désespoir





       « Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre »

Camus "L'envers et l'endroit" extrait de la nouvelle "Entre oui et non" 1937
 
 

 

Rencontres



 
 
 


dimanche 5 janvier 2014

Camus - "Qui se donne au temps de sa vie...."






"Qui se donne au temps de sa vie,
 à la maison qu'il défend,
 à la dignité des vivants,
 celui-là se donne à la terre et en reçoit
la moisson qui ensemence et nourrit à nouveau."
 
 Albert Camus, "L'homme révolté"
 
*
 
 
 

dimanche 22 décembre 2013

Mozart: Concerto pour flûte et harpe - Paul Robeson: Deep River

 


 
Samedi 14h  [15décembre 1962]
 
[...] Si seulement tu pouvais me voir sourire, Ami... Maman m'a apporté tout à l'heure cet envoi que mon Père Noël particulier me fait un peu à l'avance... Enfant privilégiée! J'ai écouté le Concerto pour flûte et harpe et la première face du disque de Paul Robeson (et j'en ai pris grand soin en les manipulant). Je ne sais pas parler de musique mais je demeure interdite et tremblante devant la somptuosité de l'offrande. Ami, mon ami à l'infini, reçois mon sourire, je t'en prie, le sourire que tu réveilles -Merci tout simplement. J'écrirai plus longuement quand je surgirai de l'enchantement, mais à cette heure mon ami, j'ai la gorge serrée d'un bonheur fragile encore, mais triomphant.
 
Extrait de Lettres à L'Amant - Tome I


 
 
 

vendredi 6 décembre 2013

Comment vais-je choisir de vivre?







Lundi   Nuit  [18 février 1963]

[...] Ah, comment vais-je vivre, comment fait-on pour vivre, sans déchet, pour vivre d'une flamme pure? Comment vais-­je choisir de vivre? Et suis-je libre à présent de choisir ­puisque mue par une intransigeance qui me fait bien voir ce que je dois faire, ce que je veux faire? Mon ami-à-moi, peut-être ne saurai-je pas; il y faut et toujours davantage, plus de patience. Il me semble que je cours d'un grand élan vers le soleil -que je me précipite. Pour m'accomplir et c'est peut-être en même temps me consumer toute. J'ai dix­ neuf ans bientôt, et ne sais si j'en pleure ou j'en ris. Ma peine d'hier a saccagé mon ordonnance intime; la morale mise à bas; chancelante la tradition; désordre; beau désordre pourtant -mais il faut que je m'en saisisse, et que je ne laisse rien perdre. Le structurer, l'édifier. Tout est possible aujourd'hui: comment dès lors ne pas être ivre, et tournoyer entre toutes les richesses préhensibles, et n'en rien prendre pour avoir voulu tout emporter?.. Choisir me désespère, car plus qu'une élection, j'y vois le refus de ce dont je me détournerai. Peut-être vais-je, comme une abeille que solli­citent trop de senteurs, demeurer indécise... Rien qui me rassasie: et je désire ce que je n'ai pas, et me désole de devoir ne prendre qu'une part des offrandes. Me tailler une part: voilà ce que je fais sans m'y résoudre -et si démesurée que je la veuille, elle m'apparaît encore dérisoire...

Extrait de "Lettres à L' Amant" Tome I


 
 
 

samedi 23 novembre 2013

Je me suis levée tôt...

 

Cela va bien, tu sais... Tous les soleils du monde vont bien. Je me suis levée tôt pour allumer celui du ciel que le brouillard étouffait comme cendre.

 
       Brumes échevelées, effilochées, accrochées aux bois 

..


 comme foin que les branches prennent aux charrettes.
 
 
 
 

Le vent batifolait dans ma jupe comme un chien fou de joie.

Je pris pour rejoindre mes domaines un sentier défendu de ronces et d'orties,


 
 
 
 
 
 si étroit que nous n'y pourrions marcher de front, montant dru  entre fougères et bruyères,
 

 

 sous les châtaigniers.
 


Je ne soufflai qu'arrivée sur le plateau, à la naissance de la gorge masquée par la futaie, dont les bords se dérobent presque verticalement le long du chemin. Fonds cachés de feuillages.

 
Au retour, je déboulai le long de la pente -avec de brusques arrêts pour jauger le ravin à ma droite,

 
et m'arrêtai en vue du village, cent mètres au-dessous...                 
 
Extrait de "Lettres à L'Amant" - Tome I