mardi 13 novembre 2012

Déchirements




Nicolas De Staël


"Je vais aller sans espoir jusqu'au bout de mes déchirements, jusqu'à leur tendresse."
 
                                                                                                            Nicolas de Stael


Rainer Maria Rilke - Monde intérieur


Marc Loy - Les deux mondes







Rilke… écartelé entre deux lieux, celui secret auquel il aspirait, un monde d’ailleurs, d’infini, de beauté insaisissable, de silence, de pureté, d’intériorité, de vide, de la quête de l’origine… et l’autre… à partager avec ceux, celles qu’il aimait et qui, alors, l’exilaient du premier. Son écriture est imprégnée de cet éternel vacillement, de ce chaos, de cette lutte, de cette blessure d’être.
Dans un fragment de lettre, ces lignes bouleversantes très proches de celles citées dans le livre édité par Allia :

« Lorsque je te dis où était mon sentiment du monde, ma félicité terrestre, il faut que je te l’avoue : ils se sont toujours situés hors du temps, dans les instants rapides, profonds, de cette divine intuition (…) et lorsqu’on s’aimait c’était cela qui commençait par disparaître… »

Etre avec l’autre et le fuir, aimer et fuir l’amour. Retourner à ses rêves, à sa solitude, à ses écritures. Entrer dans son monde intérieur et écouter brûler son âme.
Quelle étrange vie, quelle étrange écriture.
Son épitaphe : " Rose, ô pure contradiction, volupté de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières. " A l'ombre d'un rosier qu'il pria que l'on plante sur sa tombe.



vendredi 9 novembre 2012

Dernier souffle

Dessin de Eff Ji
 
 
« Et la fin sera pareille à celle de l’oiseau qui s’épuise
contre les barreaux jusqu’à son dernier souffle. »
 
(Lettres à L’Amant, tome I )

 
 

mercredi 7 novembre 2012

"l'amour est masochiste..." - Blaise Cendrars








L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes, cet état d'angoisse des amants, cet état d'attente, cette souffrance latente, sous-entendue, à peine exprimée, ces mille inquiétudes au sujet de l'absence de l'être aimé, cette fuite du temps, ces susceptibilités, ces sautes d'humeur, ces rêvasseries, ces enfantillages, cette torture morale où la vanité et l'amour-propre sont en jeu, l'honneur, l'éducation, la pudeur, ces hauts et ces bas du tonus nerveux, ces écarts de l'imagination, ce fétichisme, cette précision cruelle des sens qui fouaillent et qui fouillent, cette chute, cette prostration, cette abdication, cet avilissement, cette perte et cette reprise perpétuelle de la personnalité, ces bégaiements, ces mots, ces phrases, cet emploi du diminutif, cette familiarité, ces hésitations dans les attouchements, ce tremblement épileptique, ces rechutes successives et multipliées, cette passion de plus en plus troublée, orageuse et dont les ravages vont progressant, jusqu'à la complète inhibition, la complète annihilation de l'âme, jusqu'à l'atonie des sens, jusqu'à l'épuisement de la moelle, au vide du cerveau, jusqu'à la sécheresse du cœur, ce besoin d'anéantissement, de destruction, de mutilation, ce besoin d'effusion, d'adoration, de mysticisme, cet inassouvissement qui a recours à l'hyperirritabilité des muqueuses, aux errances du goût, aux désordres vaso-moteurs ou périphériques et qui fait appel à la jalousie et à la vengeance, aux crimes, aux mensonges, aux trahisons, cette idolâtrie, cette mélancolie incurable, cette apathie, cette profonde misère morale, ce doute définitif et navrant, ce désespoir, tous ces stigmates ne sont-ils point les symptômes mêmes de l'amour d'après lesquels on peut diagnostiquer, puis tracer d'une main sûre le tableau clinique du masochisme ?

Blaise Cendrars
Moravagine, p.61
Le Livre de Poche, n° 275, Paris, 1960

lundi 5 novembre 2012

Débordements









"Je suis assaillie par des sentiments démesurés,
des joies déchirantes et des chagrins trop lourds,
et  je grandis par soubresauts,
avec véhémence et incohérence, 
faisant souffrir à mon tour, par mes débordements,
ceux que j'aime."
                                                                                                          Mireille Sorgue

dimanche 28 octobre 2012

Vivre à voix haute






"Je vis à voix haute. Je ne renoncerai à rien !"
 
                                                                                       Mireille Sorgue

Je veux dire ceci






Je veux dire ceci :
Un jour une main s’est tendue pour que la mienne y prenne vie.
Pour que la mienne y prenne feu.
Un jour une main m’a prise et désormais je n’ai eu lieu qu’en elle.
C’est ta main, et quand je la tiens, je crois te tenir tout entier.
J’en parle comme de toi.
 
Mireille Sorgue - (extrait de l'Amant)

vendredi 26 octobre 2012

Derrière ce mur tout blanc - Poème de Mokhtar El Amraoui







Derrière ce mur tout blanc,
Je devine la nuit de tes lèvres,
Le voyage de ton désir ligoté
Dans ta langue enflammée
Qui éclate dans le fracas
De ton appel que tu ravales,
Au creux des cris de tes supplices !
Murs ! Murs ! Murs ! Murs !
Naissance de soleils arrêtée !
Derrière ce mur tout blanc,
Dans ta nuit ambulante,
Tu deviens, impuissante,
Paquets de marbres,
Silences, peurs et soumissions !
Derrière ce mur, bien loin des arbres,
D’autres murs, sous terre,
T’enserrent, t’enterrent
Dans les spirales, tout en vaines prières,
De tes silences de momie !
Bouquets de braises endormies
Que seul le souffle de l’amour, ma belle,
Pourra rallumer en une infinité d’ailes !
 
                                                                                                             Mokhtar El Amraoui

mercredi 24 octobre 2012

Ce visage inaccessible


 

 

Ce visage est inaccessible.
Il est la surface d'une intériorité qu'il faut imaginer,
puisque sa réalité est ailleurs. Il y a là, un mystère,
quelque chose d’inconscient
qui nous ramène toujours vers Elle.
Mireille est là, simplement, humblement,
et c’est dans ce mystère qu’il faut la regarder.


 
 
 

dimanche 21 octobre 2012

Et me voici....pareille au pantin....






Tu pars.

Et me voici comme au sortir d’une mauvaise fièvre, gauche et plus lente à me mouvoir, bras et jambes défaits, pareille au pantin qui salue par l’artifice des ficelles, veule et pusillanime – et cet épuisant mime d’insouciance naturelle –

Poète heurtée au front d’un maillet sûr : très stupide et très amorphe, tête gourde, sans plus de rime ni raison, ayant perdu la source de mes mots et le sésame des ardeurs, craignant,  si je me risque à sourire, d’arborer l’indéfectible niaiserie des ravis du village
                                                                              Extrait du poème - Tu pars -  Mireille Sorgue